Des observateurs de la CEDH dénoncent (aussi) l'impunité de la police française.
Nous avons traduit une publication d'un média indépendant Islandais se positionnant en observateur des activités de la CEDH et concernant la police française, que nous avons choisi de reproduire ici, parce qu'elle est pertinente et qu'elle a le mérite de pointer du doigt la nature pourrie de la police, qui est et restera une institution sans foi ni loi.
Ici le lien vers l'article original : https://echrnews.wordpress.com/2011/12/09/nonidentifiable/
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TRADUCTION DE L'ANGLAIS
En France, il n'existe aucune obligation pour les agents de police en uniforme et en civil d'afficher leur nom ou leur matricule administratif ou de montrer leur carte de police s'il le leur est demandé. De plus, le nom et le numéro de l'agent de police ne sont pas sur le côté de la carte montrée au public [pic]. Certains agents de police utilisent également des masques, capuches et écharpes pour cacher leur identité, ce qui constitue une infraction punie par une amende pouvant s'élever à 150 ainsi qu'à un stage de citoyenneté obligatoire (article 1 de la loi 2010-1192).
Le 14 octobre 2011, le Tribunal de Paris a contraint 7 fournisseurs de service internet à censurer le site Copwatch Nord-Paris IDF sur le motif qu'il collectait et publiait des photos d'agents de police. Le 4 novembre 2011, la Cour Suprême (Cour de cassation) a arrêté que des journalistes de TF1 auraient dû obtenir de la part des agents de police leurs consentements écrits pour révéler leurs noms dans un documentaire (affaire 10-24761), même si les journalistes avaient déjà leur consentements écrits pour filmer.
Les citoyens qui filment des agents de police commettant des actes violents commettent immédiatement l'infraction de complicité (art.222-33-3 du Code Pénal) qui est punie jusqu'à 20 ans de prison en cas de torture. S'ils publient la vidéo, il s'agit d'une infraction qui encourt une peine maximale de 5 ans de prison et de 75000 euros d'amende (art.222-33-3 du Code Pénal).
La pratique pour les agents de police de cacher leur identité et le cadre légal français interdisent aujourd'hui dans les faits l'identification des officiers de police en cas de violence présumée des articles 2 et 3 de la Convention. Il s'agit d'une violation de l'article 45 du Code Européen d'Ethique de la Police (Rec(2001)10) qui statue : « Le personnel de Police doit normalement être, au cours de son intervention, en mesure de donner la preuve de son (…) identité professionnelle.”
Les normes du CPT statuent que les suspects doivent être informés de « l'identité (nom et/ou matricule) » des agents de police présents dans la salle d'interrogatoire (I-37 p7). Amnesty International a soulevé la difficulté d'identifier les agents de police français suite aux allégations de violations des articles 2 ou 3 de la Convention (Rapport EUR 21/006/2005 L'impunité de fait des agents de la force publique). Il recommande à la France « de faire en sorte que les policiers puissent être identifiés individuellement à tout moment par la population au moyen d'un badge muni d'un numéro, les agents de la force publique étant forcés de décliner leur numéro d'identité à toute personne qui en ferait la demande.» (EUR 21/005/2008 2.3).
Le 30 novembre 2011, le Défenseur des Droits français a publié son point de vue sur le cas 2009-112. Le 18 novembre 2009 M. A, un étudiant en sciences politiques est supposé avoir été gazé à deux reprises, avoir subit des insultes racistes et été attaqué par deux agents de police en tenue anti-émeute. L'enquête de police a été close sans qu'aucun suspect ne soit interrogé, sur le motif qu'ils ne pouvaient « identifier » les agents de police impliqués. Le Défenseur des Droits recommande dans son avis que les agents de police en tenue anti-émeute soient identifiables.
Le 11 octobre 2011, la 4ème section de la CEDH a statué que les agents de police masqués « soient contraints d'afficher de manière visible des moyens anonymes d'identification – par exemple un chiffre ou une lettre » (Hristovi v. Bulgaria (42697/05) §92). Il ajoute que la pratique des agents de police de masquer leurs visages leur confère une « impunité virtuelle » rendant toute enquête non « effective » (§93).
Par ailleurs, la pratique des agents de police français de ne pas se rendre identifiable impliquerait une violation des articles 2 et 3 de la Convention.
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Nota bene :
Nous n'attendons rien des tribunaux, qu'ils soient français ou européens, nationaux ou supranationaux. De notre point de vue, la justice n'a jamais fait que servir le pouvoir des Etats et la Cour Européenne des Droits de l'Homme ne déroge pas à la règle : elle sert l'idéologie du Conseil de l'Europe, qui voudrait qu'on le pense plus responsable que les Etats qu'il fédère, alors qu'il n'est qu'une association d'Etats corrompus.
Pour autant, nous devons bien reconnaître que la CEDH publie des documents du plus grand intérêt et que ces publications servent parfois à obtenir gain de cause face aux Etats. Mais cela reste assez rare pour que nous ne nous fassions aucune illusion : la CEDH ne sera jamais en mesure de vaincre l'injustice et les violences commises par les Etats qui la financent et ses recommandations bien-pensantes n'auront jamais aucun pouvoir coercitif sur eux.