Chasse aux pauvres-Barbès: Mercredi 26 octobre 2011

Les agresseurs sont devenus furtifs

 

On arrive sur place entre 9h30 et 10h00. Le marché libre occupe déjà une bonne partie du parvis devant la sortie du métro Barbès. Le soleil est de sortie, mais il fait quand même bien froid.

10h25 – Les flics sont déjà là. Le fourgon blanc bien connu (immatriculé 831 NWR 75) ouvre la voie, conduit par trois flics en uniforme de la « Sécurité de Proximité de l’agglomération parisienne ». Pour ce faire, il emprunte le sens interdit sous le métro aérien et vient se garer juste devant les vendeurs de menthe. Immédiatement derrière lui vient se coller la voiture de police (immatriculée AH-950-WB) de l’unité cynophile, elle aussi conduite par quatre flics en uniforme. Enfin, toujours au même moment, comme tombés du métro, cinq flics en civil pénètrent le marché à la recherche de caddie clandestins et de sacs délinquants.

Deux des flics en civil, toujours sans brassards police (notons qu’on ne les a JAMAIS vu porter leurs brassards), se cachent sous leur capuche noire. L’un d’eux porte devant le visage une écharpe de supporter. Ils prennent des sacs ici et là, les ramènent au fourgon et remontent quelques mètres le boulevard de la chapelle, avant de s’engouffrer dans leurs véhicules et de repartir en direction du magasin Tatie.

10h50 – Fausse alerte : quatre flics de la BAC (sans brassards police) s’arrêtent sur le bord du trottoir et descendent de leur voiture (immatriculée 106 PRS 75 et emboutie sur le côté avant gauche). Il n’en faut pas plus pour disperser le marché. Ils sont venus à l’appel d’un vieil homme qui s’est fait frapper par un inconnu, mais repartent bientôt en laissant le pauvre homme avec sa lèvre en sang et son caddie vide. Le fait d’être pauvre et algérien n’a pas dû jouer en sa faveur pour obtenir l’aide des super-héros de la police nationale...

11h04 – Une demie heure s’est écoulée avant que le fourgon blanc ne revienne avec son escorte. C’est la même équipe. Le flic dissimulé a tombé la capuche, mais garde toujours son écharpe devant le visage. On ne voit que ses yeux et son crâne rasé (c’est bon signe). Dans leur échappée sauvage, les flics essayent d’attraper le sac à main d’une femme. Celle-ci résiste et se fait aussitôt malmener par les rustres de la république, qui l’empoignent par le bras et la forcent à les suivre. Elle a beau crier qu’il s’agit de son sac personnel (cela y ressemble fortement d’ailleurs), il ne la laissent pas partir et l’amènent au fourgon. Là, abandonnant son sac à main, la femme prend ses jambes à son cou et disparaît dans la foule. Peu en importe aux flics qui reprennent leur activité. Ils remontent à nouveau le boulevard et saisissent ce qu’ils peuvent avant de prendre (toujours en sens interdit) la rue des Islettes. Là, ils se lancent à la poursuite d’un groupe de femmes rrom. Un homme, tenant à la main un petit garçon, tente de les prévenir en sifflant, en vain. Deux flics en civil viennent le contrôler puis lui demandent de les suivre, toujours avec son petit garçon. Entretemps, les femmes rrom se sont faites saisir toutes leurs affaires. Tout est jeté dans le fourgon qui repart aussitôt. Il est 11h11.

Ce qui nous frappe, c’est l’aspect méthodique et furtif de l’intervention, qui n’a duré que sept minutes. La précédente intervention n’a duré que cinq minutes. Les policiers auraient-ils la faculté de caractériser une infraction et d’en identifier l’auteur en quelques secondes ? La déontologie ne voudrait-elle pas que les personnes visées puissent se défendre, faire valoir leurs droits, savoir à qui elles ont affaire, connaître la fonction et le matricule des flics qui les attaquent ?

En réalité, les unités de police se comportent à Barbès (et ailleurs on n’en doute pas) comme des escadrons punitifs, dont les membres se questionnent bien peu sur l’arbitraire de leurs actes. La guerre qu’ils mènent contre les pauvres est de plus en plus légitimée par les autorités, qui n’hésitent pas à multiplier les arrêtés contre ceux qui n’ont rien, à l’exemple de l’arrêté anti-mendicité du maire de Marseille Jean-Claude Gaudin ou de l’arrêté anti-glanage du maire de Nogent-sur Marne Jacques J.P. Martin.

Lorsque l’Etat rétablira la bonne vieille loi napoléonienne contre le délit de vagabondage, il n’y aura pas à douter que nos flics sans brassards se lanceront spontanément à la poursuite de tout les gens « sans domicile certain, ni moyens de subsistance, et qui n’exercent habituellement ni métier, ni profession » (définition juridique donnée par l’article 270 du code pénal de 1810).

A vos abris, chômeurs, étrangers et sans-abris, la réaction reprend du poil de la bête !

Des veilleurs des marchés libres.