Chasse aux pauvres-Barbès: Mercredi 11 janvier 2012
Flics en planque, flingue et coups de pied.
Ambiance malsaine à Barbès ce mercredi. On est certes arrivé.e.s tard, parce qu’on a eu un problème technique avec l’une de nos caméras, mais l’un de nous est passé à Barbès aux alentours de 10h40. Une voiture de police était alors stationnée à l’intersection de la rue Guy Patin et du boulevard de la Chapelle, portière ouverte. Debout à côté, un petit flic à l’allure virile paradait en tenant à bout de bras un Lanceur de Balles 40 mm (LBD 40), postillonnant sur un vieil homme qui passait trop près de lui...
11h20 – Ayant réglé notre soucis technique, nous arrivons à Barbès. A peine sortis du métro, nous tombons nez à nez avec deux flics en uniformes accompagnés de deux patrouilleurs roumains. Ils sont justement en train de remonter le trottoir et de chasser les vendeur.euses, mais ne confisquent rien. Effrayer les pauvres et déjà bien assez satisfaisant pour eux.
Un peu plus loin, alors que les flics roumains sont partis courir en direction des magasins Tatie avec leurs acolytes français, nous surprenons le petit flic et son Lanceur de Balles, accompagné de trois autres compères, en train de contrôler un jeune gars qui a eu la bonne idée de prendre le boulevard en sens interdit avec son scooter. Ils le laissent partir et partent à leur tour en direction de la rue Guy Patin où les attend leur véhicule (immatriculé 75N – 6310G).
Le marché n’a pas attendu leur départ (11h52) pour reprendre son cours normal.
12h30 – On se rend compte de la présence de cinq agents en civil dispersés autour du marché libre. Ils ont une attitude plus que suspicieuse, font le pied de grue près des étals du marché aux primeurs, font semblant de s’intéresser à la marchandise des vendeur.euses à la sauvette et surtout, font d’incessants allers-retours entre la rue des Islettes et la rue Guy Patin en scrutant le marché et en parlant dans leur oreillette : « ...le noir avec un bonnet blanc... ».
Jusqu’à 13h16, on observe le curieux manège de ces flics en planque sans réussir à comprendre ce qu’ils cherchent là, quand tout à coup entrent en scène trois autres flics en civil qu’on connaît déjà bien mieux (deux hommes et une femme, du comico de la Goutte d’Or). C’est un vendeur de menthe qui nous prévient. Ils pénètrent dans le marché libre à la sortie du métro, s’approchent de vendeurs tchétchènes qui ne se doutent de rien, font d’abord semblant de regarder ce qu’ils vendent puis saisissent brusquement les sacs posés par terre et arrachent les produits des mains des vendeur.euses.
Pris de court, on part avertir tous les vendeur.euses qui vendent le long du boulevard, avant que la joyeuse bande de flics-voleurs n’arrive à leur niveau. Le marché se disperse, tandis que les flics viennent attraper les affaires de ceux qui n’ont pas réagi assez vite, suivis d’une femme tchétchène qui leur demande de lui rendre son sac.
13h20 – Alors que d’autres femmes tchétchènes s’opposent aux flics qui viennent de leur piquer leurs affaires, la première femme s’approche et tente de reprendre son sac en demandant au flic qui le tient de bien vouloir lui laisser. Subitement, l’un des flics (veste en cuir marron) lui assène un violent coup de pied au niveau de la hanche avant de hurler : « si ça continue, ça va se finir au gaz ! ». A la vue de ce geste, la tension monte et les gens alentour commencent à converger sur les flics. Un jeune homme saisit par le bras le second flic en lui demandant : « Où sont vos brassards ? A quoi on voit que vous êtes policiers ? », ce à quoi le premier lui répond en vociférant « Et toi, t’es qui ? Qu’est-ce tu fous ici ? On a des cartes d’intervention, espèce de clown ! ». Mais le jeune homme a à peine le temps de lui rétorquer « Alors montrez les ! » que les flics s’extraient de la foule sous tension en partant en direction du boulevard Barbès.
Nous connaissons la femme qui a reçu le coup de pied, ainsi qu’une femme présente à côté d’elle au moment où le flic l’a frappé. Nombreux sont ceux qui peuvent témoigner de ces violences, mais peu le feront publiquement, par peur des représailles. Au cours de ces longs mois à Barbès, nous avons constaté que Barbès et comme un mini Calais, une zone de non droit où les flics se livrent à leur instincts sauvages sans qu’aucune sanction ne soit prise à leur encontre. Ils imposent par leurs pratiques une terreur sourde, plaçant les vendeur.euses sous tension permanente. Majoritairement demandeur.euses d’asile, celleux-ci n’ont pas d’autre choix que de vendre à Barbès pour s’en sortir, l’Allocation Temporaire d’Attente n’étant que de 10,83 euros par jour (perçue à condition d’avoir été admis au séjour, de ne pas être en procédure prioritaire ou sous convention Dublin). Beaucoup doivent ainsi supporter, en plus des souffrances post-traumatiques occasionnées par leur vécu difficile (guerre, violences, tortures subies dans leur pays d’origine), la violence gratuite et stupide de flics sans conscience et sans cerveau.
Au cours de nos discussions, ils et elles ont exprimé leur impuissance à faire valoir leurs droits et leur crainte de voir leur demande d’asile compromise s’il/elles sont interpellé.e.s par la police. Ils nous est en effet arrivé à plusieurs reprises de rencontrer des personnes placées dans l’impossibilité d’obtenir l’assistance des principales associations intervenant auprès des demandeur.euses d’asile (CAFDA, AFTAM, FTDA, Croix Rouge...) sous prétexte qu’ils avaient eu des ennuis judiciaires avec la police. Ces associations étant très liées par des conventions avec l’État, elles participent à la répression en refusant de les recevoir et en les empêchant d’obtenir la domiciliation nécessaire à la poursuite de leurs démarches. En faisant pression sur ces associations, la préfecture arrive ainsi à compromettre la survie des personnes ayant eu affaire à la police...
Volé.e.s, humilié.e.s, frappé.e.s, insulté.e.s, les biffin.e.s de Barbès tentent régulièrement de résister physiquement aux agressions des flics, mais renoncent rapidement et gardent le silence pour éviter d’avoir des ennuis sur le long terme.
Des veilleur.euse.s des marchés libres.