Chasse aux pauvres à Barbès : samedi 21 janvier 2012
Les leçons de vie du petit chef de bande
A peine arrivés sur le marché libre de Barbès et alors que l’un de nous essaye de venir en aide à une vieille dame, assaillie et agrippée par le bras par deux fliques pour « délit de vente de boîtes de conserves », leur petit chef bondit depuis l’autre côté du trottoir, trop content de venir emmerder le copain qu’il connaît depuis quelques mois (rencontrés au cours d’un contrôle d’identité).
Se sentant l’âme d’un rusé renard, il fait alors allusion à des informations concernant le copain comme s’il cherchait à l’impressionner, mais au regard des précieuses données, il s’avère que le petit malin s’est juste contenté de tapoter le nom du copain sur google. Quelle investigateur de génie !
Quelques images du petit chef,
histoire qu’il ne passe plus inaperçu :
Le copain essaye de s’esquiver, mais alors commence un petit jeu puéril au cours duquel le petit chef et son acolyte qui n’a pas l’air bien malin le suivent en faisant des commentaires à haute voix, parodiant les précédentes chroniques et se moquant de lui, montrant encore une fois combien Barbès est pour eux un terrain de jeu et nous apportant la confirmation que les flics, narcissiques, lisent régulièrement nos chroniques. Grand bien leur fasse.
10h15 - Le copain s’arrête, contraint d’engager une conversation avec les flics pour qu’ils cessent leur petit jeu. S’ensuit un interminable laïus policier sur l’utilité publique de la police, engagée ici comme ailleurs dans une formidable lutte pour l’ordre et la sécurité et victime malgré elle des procès d’intention de méchant.e.s détracteur.ices ignorant.e.s des réalités sociales. Le petit chef ne veut pas faire de politique mais se place en défenseur des pauvres (évoquant le cas exemplaire de l’association Aurore), engagé dans une association caritative (Aurore ?) et favorable à l’instauration de zones légales pour la biffe. Pourtant, il vilipende tous ces biffins qui « encombrent la voie publique » (le bon vieil argument des partisans de l’ordre), « volent les bourses alimentaires » (c’est bien connu, les restos du cœur sont pillés !), « touchent des aides » (salauds de pauvres !) et « n’ont pas besoin de vendre à la sauvette pour survivre » (c’est vrai que ça paye bien d’être pauvre). Il croit d’ailleurs pertinent d’affirmer qu’ils vivent « bien mieux que dans leur pays d’origine » (il est toujours aisé de comparer à pire pour donner l’illusion que tout va bien) et qu’ « on ne peut pas assumer toute la misère » (version quelque peu remodelée de la phrase bien-pensante de Rocard : « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, mais elle doit savoir en prendre fidèlement sa part » ). Après s’être auto-qualifié d’ouvrier sous prétexte qu’il serait fils de mineur du Nord Pas-de-Calais (ils sont nombreux dans la police), le petit chef croit bon d’ajouter, avec l’approbation de son subalterne, que les gens du quartier et les commerçant.e.s leur sont généralement reconnaissant.e.s pour leur travail (est-ce utile de préciser qu’il ne peut parler que de celleux, potentiellement réacs et xénophobes, qui viennent leur lécher les bottes pour les remercier et leur taper la discute ?). Face à l’argument des violences et de l’agressivité de ses collègues, le petit chef répond qu’ils sont là pour faire respecter la loi et qu’il s’assure personnellement que ça se passe bien en intervenant auprès de ses hommes pour régler les problèmes (on a vu ça)...
10h45 – Le copain s’esquive, fatigué d’argumenter face à la mauvaise foi pathologique des flics et profitant du fait qu’une autre personne, sociologue que nous avions déjà rencontrés, à engagé la discussion avec le petit chef et ses collègues.
12h00 – Les flics mettent fin à la conversation et reprennent leurs activités. Nous sommes heureux de constater que, pour la première fois depuis de longs mois, les flics ont foutu la paix aux vendeur.euses pendant deux heures ! Il faudrait envisager de recruter des bavard.e.s pour distraire les flics, si ça peut les empêcher de nuire...
Les flics ont perdu leur énergie et l’intervention se fait à pas lents, laissant aux vendeur.euses le temps de s’esquiver avant leur arrivée. Pour autant, les flics n’en restent pas moins nocifs, ayant cru bon de sortir leurs chiens de la voiture. Les deux chiens, surexcités, sautent à la gorge des passant.e.s, tandis que leurs maîtres chiens crient de s’écarter. L’altercation est prévisible. Un homme qui ne fait que passer se fait agresser par le chien, et tandis qu’il proteste, un gros flic s’en prend à lui et le pousse abruptement contre les grilles du métro : « Tu bouges ! ». Il proteste davantage, mais se fait immédiatement jeter au sol et invectiver par trois flics penchés sur lui. La tension monte et les autres flics commencent à s’en prendre aux passant.e.s en leur hurlant de reculer. Le petit chef arrive après coup, mais ne juge pas utile de calmer ses hommes qui ont clairement provoqué l’altercation, préférant vociférer à son tour pour que les gens s’en aillent. Merci pour cette leçon de gestion des conflits...
Comme l’écrit très bien Didier Fassin : les flics font la loi plutôt qu’ils ne l’appliquent...
Des veilleur.euses des marchés libres