Chasse aux pauvres-Barbès: Samedi 14 janvier 2011

Main de fer dans gant d'acier

 

          Nous avions déjà pointé du doigt le changement d’ambiance à Barbès en cette nouvelle année : redoublement d’effectif et changement des tactiques de répression. On ne voit plus le fourgon blanc du commissariat Clignancourt, mais beaucoup plus de flics en uniforme, accompagnés désormais de leur complices roumains, qui ne ratent pas un marché. La chape de plomb s’est abattue sur les biffins, qui ont bien du mal à s’installer et à vendre au cours de ces deux dernières semaines.

L’occupation du terrain par les uniformes bleus ne signifie pas pour autant que les chasseurs en civil ont laissé la place, bien au contraire. Ils chassent désormais main dans la main...

9h50 - Dés notre arrivée nous découvrons un déploiement conséquent de la CRS 13 de Saint Brieuc tout autour de la station de métro : sur le boulevard Barbès (fourgon Ford transit immatriculé 35N-6023B), dans la rue des Islettes (fourgon Peugeot boxer immatriculé 35N-5442B) et dans la rue Caplat (fourgon Peugeot boxer immatriculé 35N-5765B). Ambiance d’occupation.

10h10 – Alors que les CRS ont déjà harcelé le marché à plusieurs reprises, ne laissant aux vendeur.euses que quelques minutes pour se réinstaller et tenter de vendre quelque chose, six flics en civils viennent s’ajouter au festival. Contrairement aux CRS qui ne saisissent rien mais sont juste là pour « dissuader » (traduire : faire peur), les civils se jettent sur les vendeur.euses et saisissent tout ce qu’ils peuvent. Ils rassemblent ensuite tout sur le bord du trottoir et repoussent les passants trops curieux. Un jeune homme qui tente de récupérer ses affaires est agrippé par la manche et menacé d’un coup de matraque télescopique à hauteur de visage. Il s’esquive.

Dans le même temps, un fourgon (Ford transit immatriculé BV-494-RL) vient se garer sous le métro aérien, entre le marché aux primeurs et le marché des biffins, précédé d’une voiture banalisée (Peugeot 308 gris métalisé immatriculée 938 RNA 75). Les flics en civil mettent alors toutes les affaires saisies dans le fourgon, tandis qu’à deux pas de là trois CRS se réjouissent du nettoyage en cours : « Là normalement c’est la cour des miracles. - Ah oui, c’est clean ! »

11h40 – A ce tourbillon de bleu s’ajoutent les uniformes bleu-vert des patrouilleurs roumains qui, accompagnés de trois de leurs hôtes français, sillonnent le marché dans un sens et dans l’autre, saluent les collègues en civil, puis repartent peu après.

12h07 – Après une heure et demie d’allers-retours intempestifs, de contrôles et de confiscations brutales sur le marché libre, rendant toute vente presque impossible, les flics en civil ont quitté la scène, laissant seuls sur place les CRS. Autant dire que les CRS ne chôment pas non plus, puisqu’ils contrôlent les papiers de plusieurs personnes ici ou là, avant d’embarquer finalement un jeune tchétchène dont les papiers ne sont pas en règle. Un fourgon vient spécialement pour l’emmener (fourgon Peugeot boxer immatriculé 35N-5498B). A ses proches qui s’inquiètent de son sort, un des CRS lance un « C’est votre ami ? […] Votre cousin ? Vous avez des papiers vous ? Parce que votre cousin il a rien [...] Allez vous-en ou je vous met avec lui, allez ! »

12h19 – Les CRS se font ravitailler par un fourgon blanc (immatriculé AG 959 MM dans le département des Côtes d’Armor) dans lequel sont entreposés des grands bac de plastique fumant. Nous choisissons ce moment pour quitter le marché.

Barbès prend des airs de dictature : le ministère de l’intérieur a visiblement décidé de serrer la vis. L’omniprésence policière est écœurante, au point qu’y demeurer plus d’une demie heure met mal à l’aise. La chasse aux pauvres prend toute sa dimension réactionnaire et fascisante, il serait temps de s’en préoccuper vraiment...