Chasse aux pauvres-Barbès: Samedi 14 janvier 2011

Main de fer dans gant d'acier

 

          Nous avions déjà pointé du doigt le changement d’ambiance à Barbès en cette nouvelle année : redoublement d’effectif et changement des tactiques de répression. On ne voit plus le fourgon blanc du commissariat Clignancourt, mais beaucoup plus de flics en uniforme, accompagnés désormais de leur complices roumains, qui ne ratent pas un marché. La chape de plomb s’est abattue sur les biffins, qui ont bien du mal à s’installer et à vendre au cours de ces deux dernières semaines.

L’occupation du terrain par les uniformes bleus ne signifie pas pour autant que les chasseurs en civil ont laissé la place, bien au contraire. Ils chassent désormais main dans la main...

9h50 - Dés notre arrivée nous découvrons un déploiement conséquent de la CRS 13 de Saint Brieuc tout autour de la station de métro : sur le boulevard Barbès (fourgon Ford transit immatriculé 35N-6023B), dans la rue des Islettes (fourgon Peugeot boxer immatriculé 35N-5442B) et dans la rue Caplat (fourgon Peugeot boxer immatriculé 35N-5765B). Ambiance d’occupation.

10h10 – Alors que les CRS ont déjà harcelé le marché à plusieurs reprises, ne laissant aux vendeur.euses que quelques minutes pour se réinstaller et tenter de vendre quelque chose, six flics en civils viennent s’ajouter au festival. Contrairement aux CRS qui ne saisissent rien mais sont juste là pour « dissuader » (traduire : faire peur), les civils se jettent sur les vendeur.euses et saisissent tout ce qu’ils peuvent. Ils rassemblent ensuite tout sur le bord du trottoir et repoussent les passants trops curieux. Un jeune homme qui tente de récupérer ses affaires est agrippé par la manche et menacé d’un coup de matraque télescopique à hauteur de visage. Il s’esquive.

Dans le même temps, un fourgon (Ford transit immatriculé BV-494-RL) vient se garer sous le métro aérien, entre le marché aux primeurs et le marché des biffins, précédé d’une voiture banalisée (Peugeot 308 gris métalisé immatriculée 938 RNA 75). Les flics en civil mettent alors toutes les affaires saisies dans le fourgon, tandis qu’à deux pas de là trois CRS se réjouissent du nettoyage en cours : « Là normalement c’est la cour des miracles. - Ah oui, c’est clean ! »

11h40 – A ce tourbillon de bleu s’ajoutent les uniformes bleu-vert des patrouilleurs roumains qui, accompagnés de trois de leurs hôtes français, sillonnent le marché dans un sens et dans l’autre, saluent les collègues en civil, puis repartent peu après.

12h07 – Après une heure et demie d’allers-retours intempestifs, de contrôles et de confiscations brutales sur le marché libre, rendant toute vente presque impossible, les flics en civil ont quitté la scène, laissant seuls sur place les CRS. Autant dire que les CRS ne chôment pas non plus, puisqu’ils contrôlent les papiers de plusieurs personnes ici ou là, avant d’embarquer finalement un jeune tchétchène dont les papiers ne sont pas en règle. Un fourgon vient spécialement pour l’emmener (fourgon Peugeot boxer immatriculé 35N-5498B). A ses proches qui s’inquiètent de son sort, un des CRS lance un « C’est votre ami ? […] Votre cousin ? Vous avez des papiers vous ? Parce que votre cousin il a rien [...] Allez vous-en ou je vous met avec lui, allez ! »

12h19 – Les CRS se font ravitailler par un fourgon blanc (immatriculé AG 959 MM dans le département des Côtes d’Armor) dans lequel sont entreposés des grands bac de plastique fumant. Nous choisissons ce moment pour quitter le marché.

Barbès prend des airs de dictature : le ministère de l’intérieur a visiblement décidé de serrer la vis. L’omniprésence policière est écœurante, au point qu’y demeurer plus d’une demie heure met mal à l’aise. La chasse aux pauvres prend toute sa dimension réactionnaire et fascisante, il serait temps de s’en préoccuper vraiment...

Copwatch: ce qui se dit, ce qu’on en pense !

 

On a entendu parler de nous sur France Culture [1] où Jean-Marc Manach était interviewé sur la question du copwatch le 29 décembre. Entretemps on a pu lire un certain nombre de commentaires à notre Chronique du 7 janvier. Et du coup ça nous a donné envie de répondre à quelques remarques qu’on entend souvent concernant notre action et pour lesquelles on a envie de donner notre vision personnelle des choses.

Sur la question du « bon flic » à dissocier du « mauvais flic »

On entend souvent comme remarque : « je comprends ce que vous faites mais on ne peut pas mettre tous les flics dans le même panier, y’en a des corrects aussi, des sympas qui sont VRAIMENT au service de la population.

A vrai dire, on a pas envie de rentrer dans ce débat-là, tous les flics ont un préfet au-dessus d’eux qui leur donne des ordres et auxquels ils obéissent, certains à reculons, d’autres à cœur joie, en y ajoutant leur touche personnelle. Ce qu’on montre avant tout c’est le résultat d’une politique sécuritaire qui pousse le flic à faire un sale boulot parce qu’il a des chiffres, des ordres, une hiérarchie, etc. Avec cette logique-là on sait où on va : en 61 ça a fini à la Seine avec des dizaines de corps d’algériens tabassés à mort et jetés à l’eau des ponts de Paris par les « gardiens de l’ordre ».

Autres temps, autres mœurs ? Eh bien on aimerait y croire mais il ne se passe pas une semaine sans qu’on titre un mort, un coma, une bavure grave de la police, et ce sur tout le territoire, pas à un endroit unique, une zone, sous une seule préfecture. Le bon flic on l’a jamais vu tendre la main pour dire à son collègue de se calmer, on a surtout vu des flics s’émuler en groupe et s’exciter en connivence parfaite pour jouer de la matraque. A la limite il y en a un de la bande qui a l’air de se tortiller sur place et qui regarde un peu ailleurs, mais ce qu’on a chaque semaine depuis plusieurs mois dans notre champ de vision, c’est un joli défilé de têtes de flics qui s’en prennent aux pauvres à Barbès et Belleville sans jamais un geste d’hésitation, juste parfois un flottement face à la vanité de leur tâche, quand ça se déroule pas comme prévu.

On a envie de dire que le « bon flic » c’est celui qui ne finit pas son école de police parce qu’il a compris qu’on lui enseignait à sévir, à être garant du pouvoir et non pas gardien de la paix comme c’était écrit noir sur azur dans la brochure de papier glacé qu’il a signée ; c’est celui qui démissionne quand il se rend compte qu’il passe ses journées à faire du chiffre, à traquer des sans-papiers, expulser des squats, réprimer des gens qui manifestent, dire aux gens de ne pas faire de bruit, de ne pas vivre trop fort, de pas faire ceci ou cela parce qu’il y a une loi liberticide qui sort chaque mois, ou simplement de passer des heures à auditionner des gens arrêtés pour tout et n’importe quoi par des collègues en manque d’action.

Bref, sans caricaturer, on n’est pas loin de la réalité qui fait que pas mal de flics se tirent une balle ou se font radier quand ils disent que le STIC est un fichier abusif qui contrevient aux libertés (l’affaire du Commandant Philippe Pichon en 2008). Restent les mauvais flics, les frustrés qui se sont fait une raison, les nerveux qui ont une vision bourrée de préjugés sur ce que devrait être la société et qui insultent à gogo, les fachos qui cognent parce que ça évite les récidives, les pâlots qui suivent parce que les ordres c’est les ordres, qu’ils ne sont « pas payés pour réfléchir » (dixit un CRS au sommet de l’OTAN à Strasbourg quand on lui demande s’il ne trouve pas la situation absurde). Et on en passe : leurs photos sont sur les miroirs de Copwatch-nord-idf, vous les reconnaîtrez en les croisant …

Le copwatch c’est « regarder sans agir »

Déjà il n’y pas UN ou LE copwatch, il y a des copwatcheurs qui n’ont pas tous la même pratique, pas tous les mêmes idées, la même façon de communiquer. On va donc répondre pour ce qui nous concerne à Barbès et Belleville.

Aux USA le copwatch est presque une institution à certains endroits, avec un code de conduite, des lignes de démarcation, des règles : « tu n’interfères pas, tu n’y vas pas seul, etc. »

Eh bien nous on n’a pas tout ça : des principes de fonctionnement on en a toujours quand on veut rester discret et quand on risque la répression, ça oui. Mais on ne fait pas que regarder et on n’agit pas non plus systématiquement, question de pertinence, de contexte et de sentiments : on est pas des citoyennistes constitués en assoc., on est plusieurs individus avec des façons de ressentir et d’appréhender les choses différemment, et à ce titre certains d’entre nous vont s’interposer, crier, filmer, photographier, noter, observer, selon les moments, selon les effectifs présents, le ressenti. Mais un principe qu’on ne perd jamais de vue c’est celui de ne jamais agir dans un sens qui puisse faire du tort aux biffins, parce qu’on est là pour qu’ils ne soient plus les victimes invisibles d’un racket et d’un ratonnage hebdomadaire par la police.

Faire du copwatch c’est déjà agir : ça fait hésiter les flics qui sont devenus beaucoup plus discrets, rapides, fugitifs et paranos depuis qu’ils savent qu’on a l’œil sur eux. On a vu apparaître les capuches, on voit les regards inquiets qui balaient le marché à la recherche de ceux qui les observent. On témoigne aussi d’une réalité qui n’existerait que pour les biffins si on ne la décrivait pas chaque semaine. Et puis surtout ça crée des liens avec ceux qui sont victimes des violences et qui nous rapportent de nombreux témoignages, par le bouche à oreille, jour après jour. On entrevoit quelque chose de bien plus vaste que des incidents isolés : on se rend compte que c’est généralisé, qu’il y a une politique à l’Intérieur qui veut ça, qui provoque ça (si on en doute, il suffit d’écouter Claude Guéant).

« Vous êtes irresponsables, c’est une incitation à s’en prendre aux policiers »

Qui s’en prend à qui, on se le demande ? Ça rappelle une petite anecdote bruxelloise où durant le campement autogéré No Border d’octobre 2010, les flics d’Anvers avaient arrêté frénétiquement les militant-e-s, préventivement, les avaient gardé-e-s 12h dans des cellules, tabassé-e-s, humilié-e-s, attaché-e-s à des radiateurs, mimé des viols sur les filles, insulté, provoqué [2] . Et quand certains avaient osé manifester ou faire mine de porter plainte, on a retrouvé 200 flics devant le tribunal de Bruxelles pour manifester contre les violences occasionnées aux flics. C’est l’hôpital qui se fiche de la charité ! Pour le moment la seule chose que les policiers aient eu à déplorer du copwatch c’est la cartouche que l’un d’entre eux à reçu dans une enveloppe (et qu’il a très bien pu déposer lui-même dans sa boîte aux lettres). [3]

Par contre des victimes des violences policières on en compte pas mal chaque jour, là où personne s’en préoccupe ou n’est là pour le voir et en parler, dans les affaires classées sans suite par l’IGS, dans nos camescopes …

Le journaliste de France Culture (vous remarquerez qu’il a visiblement déjà une vision préconçue des choses et une orientation très lénifiante, paternaliste, moralisatrice de ses questions) qui interroge J-M Manach lui demande à un moment s’il ne pense pas que notre action accentue encore la haine du policier.

Une anecdote n’est pas de trop pour lui répondre : une amie enseignante nous a raconté comment une policière qui vient faire la sécurité routière avec son flingue (normal lui ont dit ses collègues : « ça fait partie de sa fonction ». no comment) demande aux élèves de collège ce qu’ils pensent de la police ; ils répondent à l’unanimité « elle nous fait peur ». Alors la question est « est-ce qu’on est responsables de la sale réputation des flics ou bien est-ce qu’ils devraient pas se remettre sérieusement en question sur leur métier et sur ce qu’on leur fait faire ? On a entendu un policier lors d’une interpellation dire « de toutes façons, quoi qu’on fasse on nous déteste toujours, alors comment vous voulez qu’on réagisse ? ». En poussant et en gueulant fut la réponse donnée quelques secondes plus tard …

A Calais, lors de l’évacuation de la « Jungle », un tract du syndicat de police Alliance était sorti a posteriori pour protester contre les conditions dans lesquelles les flics avaient dû intervenir (35h de service d’affilée sans grand chose à grailler) [4]. Peut-être que finalement on est bien plus sympas en les traitant de tous les noms que leur hiérarchie qui les traite comme du bétail et les forme au lance-pierre (dans tous les sens de l’expression).

On est pas là pour éduquer la police et on en a pas du tout, mais alors pas du tout du tout, envie. On dénonce ce qu’ils sont, ce qu’ils font, l’Etat qu’ils représentent et tout le dispositif policier (qui sert juste à maintenir un système de pouvoir et d’argent qui criminalise la pauvreté, les étrangers, les gens qui ne pensent et n’agissent pas dans les lignes de démarcation de la loi et de l’ordre, tel que pensé et institué par les mêmes qui en retirent les dividendes).

La Police Nationale remplit de plus en plus la fonction de ces mercenaires qui en Irak veillent au grain des entreprises pétrolières : ils sont les exécutants de la politique du chiffre qui rapporte du vote et du chiffre, qui remplit les poches des industriels de la sécurité et de leurs copains politiques mafieux (Sarko, Bauer, Guéant &co) . Ils sont les fers de lance de la politique de gentrification des villes, les expérimentateurs du concept de prévention situationnelle vendu à qui mieux mieux par Alain Bauer, le monsieur sécurité de Sarkozy qui est l’auteur de tous les plans de videosurveillance, LOPPSI, prévention situationnelle, Livre blanc de la sécurité, bref tout ce qui fait vendre de la sécurité avec les deniers des collectivités locales et de l’État. [5]

Mais enfin, on peut pas faire justice soi-même, sinon c’est l’anarchie

Précisément ! C’est bien de l’anarchiSME, mais pas au sens où on l’entend communément ; au sens politique, au sens historique du terme. On fonctionne sur un mode horizontal, autogestionnaire sans structure ni manuel, sans étiquette ni couleur, juste la somme de toi, toi, toi et moi. Nous ... (et vous ?)

On ne fait pas justice, on regarde, on réagit, on témoigne de ce qui nous révolte, ce qui nous remue, ce qui nous attriste et ce qui vous concerne, selon nous.

Et puis si on veut jouer sur les mots, nous surveillons les surveillants, c’est un concept théorisé avec brio par les amis de M. Guéant, le principe du panoptique ou chaque citoyen devient le flic de son voisin pour un contrôle social fondé sur la délation, la parano, la défiance et la dissuasion (de vivre). Mais nous on surveille juste ceux qui surveillent et ils n’aiment pas ça, ils nous le disent, ils nous le crient à la figure et ils nous le font sentir. On inverse juste le rapport qui nous place sous les 60 000 yeux des caméras d’Alliot Marie, à portée de la moindre erreur de jugement ou du moindre dérapage nerveux de flic frustré et rongé de l’intérieur par mille complexes et rancoeurs additionnés avec le temps et les années de terrain.

En tous cas on remercie M. Guéant pour sa haute conception de la justice, de là où le bras séculier doit sévir pour rétablir l’ordre juste des choses : grâce à son action de censure du site Copwatch-nord-idf, c’est un peu comme s’il avait mis un coup de pied dans une fourmillière, on entend parler d’autres régions de France où l’idée fait son chemin et on peut se prendre à rêver de copwatcheurs qui se multiplient comme aux États-Unis ou près de 80 groupes existent.

En tous cas si on devait tomber, comptez sur nous pour nous faire justice, on tombera pas tout seul, ça c’est certain !

[1] http://www.franceculture.fr/emissio...

[2] http://paris.indymedia.org/spip.php...

[3] http://www.paris.maville.com/actu/a...

[4] http://probe.20minutes-blogs.fr/med...

[5] lire Mathieu Rigouste "LesMarchands de Peur"

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Chasse aux pauvres-Barbès: Mercredi 11 janvier 2012

Flics en planque, flingue et coups de pied.

 

          Ambiance malsaine à Barbès ce mercredi. On est certes arrivé.e.s tard, parce qu’on a eu un problème technique avec l’une de nos caméras, mais l’un de nous est passé à Barbès aux alentours de 10h40. Une voiture de police était alors stationnée à l’intersection de la rue Guy Patin et du boulevard de la Chapelle, portière ouverte. Debout à côté, un petit flic à l’allure virile paradait en tenant à bout de bras un Lanceur de Balles 40 mm (LBD 40), postillonnant sur un vieil homme qui passait trop près de lui...

11h20 – Ayant réglé notre soucis technique, nous arrivons à Barbès. A peine sortis du métro, nous tombons nez à nez avec deux flics en uniformes accompagnés de deux patrouilleurs roumains. Ils sont justement en train de remonter le trottoir et de chasser les vendeur.euses, mais ne confisquent rien. Effrayer les pauvres et déjà bien assez satisfaisant pour eux.

 

Un peu plus loin, alors que les flics roumains sont partis courir en direction des magasins Tatie avec leurs acolytes français, nous surprenons le petit flic et son Lanceur de Balles, accompagné de trois autres compères, en train de contrôler un jeune gars qui a eu la bonne idée de prendre le boulevard en sens interdit avec son scooter. Ils le laissent partir et partent à leur tour en direction de la rue Guy Patin où les attend leur véhicule (immatriculé 75N – 6310G).

Le marché n’a pas attendu leur départ (11h52) pour reprendre son cours normal.

12h30 – On se rend compte de la présence de cinq agents en civil dispersés autour du marché libre. Ils ont une attitude plus que suspicieuse, font le pied de grue près des étals du marché aux primeurs, font semblant de s’intéresser à la marchandise des vendeur.euses à la sauvette et surtout, font d’incessants allers-retours entre la rue des Islettes et la rue Guy Patin en scrutant le marché et en parlant dans leur oreillette : « ...le noir avec un bonnet blanc... ».

Jusqu’à 13h16, on observe le curieux manège de ces flics en planque sans réussir à comprendre ce qu’ils cherchent là, quand tout à coup entrent en scène trois autres flics en civil qu’on connaît déjà bien mieux (deux hommes et une femme, du comico de la Goutte d’Or). C’est un vendeur de menthe qui nous prévient. Ils pénètrent dans le marché libre à la sortie du métro, s’approchent de vendeurs tchétchènes qui ne se doutent de rien, font d’abord semblant de regarder ce qu’ils vendent puis saisissent brusquement les sacs posés par terre et arrachent les produits des mains des vendeur.euses.

Pris de court, on part avertir tous les vendeur.euses qui vendent le long du boulevard, avant que la joyeuse bande de flics-voleurs n’arrive à leur niveau. Le marché se disperse, tandis que les flics viennent attraper les affaires de ceux qui n’ont pas réagi assez vite, suivis d’une femme tchétchène qui leur demande de lui rendre son sac.

13h20 – Alors que d’autres femmes tchétchènes s’opposent aux flics qui viennent de leur piquer leurs affaires, la première femme s’approche et tente de reprendre son sac en demandant au flic qui le tient de bien vouloir lui laisser. Subitement, l’un des flics (veste en cuir marron) lui assène un violent coup de pied au niveau de la hanche avant de hurler : « si ça continue, ça va se finir au gaz ! ». A la vue de ce geste, la tension monte et les gens alentour commencent à converger sur les flics. Un jeune homme saisit par le bras le second flic en lui demandant : « Où sont vos brassards ? A quoi on voit que vous êtes policiers ? », ce à quoi le premier lui répond en vociférant « Et toi, t’es qui ? Qu’est-ce tu fous ici ? On a des cartes d’intervention, espèce de clown ! ». Mais le jeune homme a à peine le temps de lui rétorquer « Alors montrez les ! » que les flics s’extraient de la foule sous tension en partant en direction du boulevard Barbès.

Nous connaissons la femme qui a reçu le coup de pied, ainsi qu’une femme présente à côté d’elle au moment où le flic l’a frappé. Nombreux sont ceux qui peuvent témoigner de ces violences, mais peu le feront publiquement, par peur des représailles. Au cours de ces longs mois à Barbès, nous avons constaté que Barbès et comme un mini Calais, une zone de non droit où les flics se livrent à leur instincts sauvages sans qu’aucune sanction ne soit prise à leur encontre. Ils imposent par leurs pratiques une terreur sourde, plaçant les vendeur.euses sous tension permanente. Majoritairement demandeur.euses d’asile, celleux-ci n’ont pas d’autre choix que de vendre à Barbès pour s’en sortir, l’Allocation Temporaire d’Attente n’étant que de 10,83 euros par jour (perçue à condition d’avoir été admis au séjour, de ne pas être en procédure prioritaire ou sous convention Dublin). Beaucoup doivent ainsi supporter, en plus des souffrances post-traumatiques occasionnées par leur vécu difficile (guerre, violences, tortures subies dans leur pays d’origine), la violence gratuite et stupide de flics sans conscience et sans cerveau.

Au cours de nos discussions, ils et elles ont exprimé leur impuissance à faire valoir leurs droits et leur crainte de voir leur demande d’asile compromise s’il/elles sont interpellé.e.s par la police. Ils nous est en effet arrivé à plusieurs reprises de rencontrer des personnes placées dans l’impossibilité d’obtenir l’assistance des principales associations intervenant auprès des demandeur.euses d’asile (CAFDA, AFTAM, FTDA, Croix Rouge...) sous prétexte qu’ils avaient eu des ennuis judiciaires avec la police. Ces associations étant très liées par des conventions avec l’État, elles participent à la répression en refusant de les recevoir et en les empêchant d’obtenir la domiciliation nécessaire à la poursuite de leurs démarches. En faisant pression sur ces associations, la préfecture arrive ainsi à compromettre la survie des personnes ayant eu affaire à la police...

Volé.e.s, humilié.e.s, frappé.e.s, insulté.e.s, les biffin.e.s de Barbès tentent régulièrement de résister physiquement aux agressions des flics, mais renoncent rapidement et gardent le silence pour éviter d’avoir des ennuis sur le long terme.

Des veilleur.euse.s des marchés libres.

Chasse aux pauvres-Barbès: Samedi 7 janvier 2011

De nouveaux braconniers s'invitent.

 

           Barbès nous a offert des surprises en cette nouvelle année. Pas de neige non, mais des nouveaux flics, tombés du ciel et parachutés sur le marché libre. On en aura vu passer des flics différents ces derniers mois, sans savoir vraiment lesquels viennent de la Goutte d’Or et lesquels de Clignancourt, sans savoir non plus leur grade et leur affectation. Encapuchonnés ou planqués derrière leurs écharpes, avec boucle d’oreille ou lunettes de soleil, en tee-shirt moulant ou en survêtement large, c’est dire combien les chasseurs de Barbès forment un ensemble bien hétérogène. Leurs matricules et leurs brassards orange, autant dire qu’on ne les a presque jamais vu. Mais leurs tronches de braconniers, on les a presque toutes enregistrées et quasiment aucun de leurs dérapages ne nous a échappé...

10h45 – Deux voitures de police viennent se garer au milieu du croisement entre la rue Guy Patin et le boulevard de la Chapelle. L’une des deux est celle de l’unité cynophile qu’on connaît déjà, qui vomit aussitôt trois flics en uniforme dont l’un s’empresse d’agripper sa gazeuse : on ne sait jamais, c’est au cas où il y aurait besoin d’asperger les yeux d’un.e vendeur.euse récalcitrant.e. La seconde voiture, garée le long du trottoir côté marché, laisse échapper deux autres flics en uniformes accompagnés... d’un « patrouilleur » de la police roumaine (Politia).

Depuis novembre, en vertu d’un accord bilatéral entre la France et la Roumanie, une quarantaine de flics roumains assistent les milices guéanistes dans leur chasse aux enfants rroms, soit disant constitués en « bandes organisées dirigées depuis la Roumanie par de véritables familles mafieuses » (citation du torchon Figaro). Guéant-le-Répugnant, dans sa mégalomanie raciste, a trouvé là un bon moyen d’augmenter la pression à l’encontre des rroms en bénéficiant de l’aide des autorités roumaines (bien connues pour leur bienveillance à l’égard des rroms). Les tchétchènes ont des soucis à se faire, car peut-être Guéant-le-Répugnant aura bientôt l’idée géniale de faire venir des agents du FSB russe pour qu’ils viennent sur le terrain partager avec les flics français leur expertise en terme de « lutte antiterroriste »...

Le flic roumain suit les français pendant qu’ils confisquent ici ou là les sacs des vendeur.euses et des passants. Un vieil homme manque d’ailleurs de se faire piquer son sac alors qu’il recharge son pass navigo à la borne. Il croit d’abord à un simple contrôle, puis se rend compte que le flic s’apprête à jeter ses provisions à l’arrière de la voiture de police. Heureusement, il arrive à convaincre l’un des policiers, sous le regard du collègue roumain, qu’il s’agit de ses achats. Ils lui rendent son sac.

Non loin de là, six flics en civils travaillent : un sac par ci, un caddie par là. Le marché s’est évidemment dispersé. En dix minutes, toute la bande organisée quitte les lieux, emmenant avec elle le complice de Bucarest. Le pauvre était bien désœuvré : pas de rroms à Barbès aujourd’hui.

- le complice de Bucarest (heure mal réglée) -

11h10 – Des kékés (on désigne ainsi des types simples d’esprit qui vouent un amour tout particulier au rodéo et à la frime) de la Police Aux Frontières viennent à leur tour passer le bonjour aux vendeur.euses. A trois au volant d’un fourgon (Renault Master blanc immatriculé 442-PWG-75) qu’ils garent en biais sur la chaussée du boulevard de la Chapelle, ils sautent du véhicule pour se planter sur la chaussée en mode intimidation, ce qui ne manque pas de faire paniquer les vendeur.euses, puis, satisfait de leur redoutable idiotie, remontent dans leur fourgon, goguenards, et poursuivent leur route.

Jusqu’à 14h, le marché est épargné par les frasques de la police et peut enfin reprendre ses droits, ce qui nous permet aussi de souhaiter une bonne nouvelle année aux vendeur.euses qu’on connaît, en espérant qu’elle leur apportera ce bonheur inespéré de ne plus voir des flics venir jouer là où eux essaient de survivre.

Bonne année et merde à l’État !

Des veilleur.euse.s des marchés libres.

Chasse aux pauvres à Barbès: Samedi 31 décembre 2011

Safari urbain avant la Saint Sylvestre

 

          On est arrivé.e.s relativement tôt au marché ce matin. On se disait, naïvement sans doute, que pour le dernier jour de l’année les flics lèveraient la pression sur Barbès, qu’ils auraient mieux à faire ailleurs avec le déploiement de 60 000 flics prévu par Guéant-le-Répugnant pour la nouvelle année. Ça doit suer d’impatience dans les commissariats à l’approche de la Saint-Sylvestre car ce soir s’ouvre la chasse aux pyromanes, aux fêtards en état d’ivresse et aux lanceurs de claque-doigts. Les flics transpirent sous leurs gilets tactiques et mugissent de plaisir à l’idée d’aller courir dans les rues encombrées par des hordes festives et d’aller faire tournoyer leurs tonfas. Ce soir, feu d’artifice de gaz lacrymogènes et illuminations de tasers, car la capitale est en fête !

11h11 – Sans surprise, les flics débarquent sur le marché libre. Ils arrivent à pieds, en uniforme. Les vendeurs se laissent surprendre et l’une des flics ne tarde pas à s’emparer du sac de provisions d’une vieille dame tchétchène. Celle-ci proteste énergiquement, répète que le sac est à elle et tente de le récupérer. Surgit derrière elles un grand flic aux allures de ranger, portant gilet pare-balles et pistolet mitrailleur Beretta M12 autour du cou. L’arme se balance de droite à gauche tandis qu’il vient en soutien de sa collègue contre la « dangereuse vieille dame ». Le mari de celle-ci tente de s’interposer, mais le ranger le menace du poing en lui criant « Dégage toi ! », tandis que l’autre flique hurle au visage de sa femme : « Lâche putain ! ». Tout autour, les gens sont dubitatifs, presque effrayés.

Exceptionnellement, quelques captures d’images (en attendant le film) :

 

Entretemps, une voiture de police et un panier à salade sont venus se garer à l’embranchement de la rue des Islettes et du boulevard de la Chapelle, avec un renfort de trois autres flics. La vieille dame est tirée par les vêtements et poussée dans la voiture de police, tandis que son mari tente de négocier sa libération. Mais très vite, le ranger le désigne et toute l’équipe se jette à sa poursuite et le rattrape devant la poste des Islettes, place de l’assomoir. Tout ça pour un plastique comportant quelques déodorants et gels-douche. Fuir la torture et les massacres pour venir récolter la misère et la matraque, c’est le droit d’asile selon Guéant.

Forts de leur misérable rodéo, les flics quittent la scène. Jusqu’à 14h, heure où nous avons nous aussi quitté les lieux, les flics ne sont pas revenus.

Des veilleur.euse.s des marchés libres.

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